Une traversée Nord/Sud

L' Enfance Rouge est un groupe franco-italien basé entre Berlin et Borj El Khadra. Créé en 1993 par François R. Cambuzat (The Kim Squad, Virgin-Italy ; Il Gran Teatro Amaro, RecRec-CH), Chiara Locardi puis Jacopo Andreini, le groupe est immédiatement classé « avant-rock », un genre atypique conjuguant communicabilité, modernité et recherche. Sans frontières, ni musicales ni géographiques, la presse européenne en parle depuis des années comme un croisement entre introspection et accélération, entre cérébralisme et transe.
L' Enfance Rouge a publié six albums ainsi qu’une dizaine de compilations avec divers labels discographiques européens.
Depuis plus de huit ans, L' Enfance Rouge préparait ce qui est aujourd’hui son septième album, un projet pensé en collaboration avec des musiciens de l’orchestre national de la Rachîdia et de l’Institut Supérieur de Musique de Tunis (Tunisie).
En 1995, François R. Cambuzat (F), Chiara Locardi (I) et Jacopo Andreini (I) déménageaient à Tunis. Fascinés depuis toujours par la musique arabo-andalouse, ses modes musicaux et ses rythmes impairs, ils partirent vivre en Tunisie pour s’inscrire au Conservatoire Nationale de Musique Populaire de Tunis.
De retour en Europe, ils posèrent les bases d’une collaboration avec Mohamed Abid, maître incontesté de ‘oud au sein de l’Orchestre de la Rachîdia et de l’Institut Supérieur de Musique de Tunis. L’idée était de mélanger une certaine atonalité/électricité occidentale avec les fastes de la musique orientale, de créer une synergie créative entre larsens , feed-backs et ces fameux quarts de tons de la musique orientale. En précisant que de part et d’autre de la Méditerranée, il n’y avait bien sûr aucune volonté de réaliser une world-music bien formatée et à la mode, ni aucun tourisme/orientalisme colon/intellectuel.
Un échange de partitions et d’enregistrements eut alors lieu entre l’Europe et la Tunisie, et ce durant la huitaine d’années qui vit L' Enfance Rouge sillonner l’Europe et ses alentours, en plus de 1800 concerts, de Vilnius à Séville comme de Bilbao en Athènes.
Au printemps 2007, L' Enfance Rouge fit de nouveau la traversée de Trapani (dernier port occidental sur la côte sicilienne) vers Halq al-Waady (port de la ville de Tunis, plus connu en Europe sous le nom de « la Goulette ») pour s’installer outre-mer. La finalisation des arrangements ainsi que les enregistrements définitifs prirent plus de quatre mois. Ce fut une période épique, difficile et excitante.
Un choc culturel, comme prévu. L’écriture musicale orientale étant surtout horizontale (rythmes, temps) et à peine verticale (harmonies), presque tout le contraire de la musique occidentale. Un autre problème fut le peu de variations dynamiques maghrébines, tandis que L'Enfance Rouge adore cela (silences, pianissimo, fortissimo…). Enfin, les musiciens tunisiens durent composer avec la spécificité du langage du rock'n'roll, avec tout ses "stop & go", « breaks », « clusters », agogismes, etc... … ainsi qu’avec le volume sonore et les dissonances bien Rouges.
En octobre 2008, l’album était là, enregistré et mixé. Tous ses acteurs avaient maintenant conscience que cette musique était unique, jamais réalisée auparavant, comme l’écrivit Ahmed Darwish pour Trasporti Marittimi (I) : « …Feedbacks occidentaux et maladifs, quarts de tons orientaux et grinçants. Ce disque est énorme, mais surtout unique: personne auparavant n’avais réussi aussi honnêtement le mélange des genres, et ne parlons surtout pas d’un Kashmir de mémoire Zeppelinesque. L’Enfance Rouge est allée bien plus loin, outre la citadelle européenne …» .