Théo Ananissoh est né au Togo, il vit aujourd’hui en Allemagne et écrit en français.
Une interview pour mieux connaître Ananissoh, la vitalité et la richesse de la jeune littérature togolaise. Ses livres ne peuvent pas être catalogués simplement dans le genre du polar, ils laissent transparaître le grand amour pour la littérature française classique.
SA: Comment est née votre passion pour l’écriture?
Théo Ananissoh: Par la passion de la lecture. J’ai très vite aimé lire. Dans ma famille, personne n’avait l’idée de faire de la lecture aux enfants; mais dès que j’ai commencé à aller à l’école, j’ai ressenti une passion pour le livre. C’était d’ailleurs tout ce qui m’intéressait en classe. L’idée de devenir écrivain m’est venue, je m’en souviens très bien, à l’âge de onze ans. C’était mon grand secret; je ne le disais à personne mais y pensais tout le temps. Je n’ai jamais douté de ce qui m’occuperait à l’âge adulte..
SA: Comment êtes-vous arrivé à choisir le genre polar pour raconter vos histoires? En général, on peut vraiment parler de «choix» d’un genre?
T.A.: Je ne sais pas si j’ai écrit un polar. «Lisahohé», mon premier roman n’est pas un polar malgré le crime dont il y est question. Le deuxième, «Un reptile par habitant»? Je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est que je n’ai pas pensé au genre dans lequel on le rangerait quand j’ai commencé à l’écrire. L’idée est venue, je me suis mis à table et je l’ai développée en huit mois à peu près. Je crois que, sans le savoir, j’ai réfléchi, ruminé ce roman pendant des années. Tout ce que je voulais y exprimer est venu pour ainsi dire naturellement. Je crois que je suis heureux de la manière dont j’y ai pu traiter de l’érotisme. Je voudrais ajouter ici en parenthèses que ce roman va être adapté au cinéma par un réalisateur africain.
Quant à votre seconde question, oui, on peut, je pense, choisir de faire un genre précis. Mais cela n’a pas été mon cas au sujet de mes deux romans.
SA: Le parcours de votre vie part de l’Afrique Centrale, passe par la France et arrive, du moins pour le moment, en Allemagne. Voulez-vous nous raconter l’histoire de ce voyage?
T.A.: Je n’ai pas fait exprès si je puis dire. Mes grands-parents ont émigré du Togo vers l’Afrique centrale avant la deuxième guerre mondiale. Je suis né donc en Centrafrique de parents togolais tous les deux. Nous serions restés dans ce pays s’il n’y avait pas eu la dictature sanglante de Bokassa. Alors que j’avais douze ans, mes parents ont préféré retournés dans notre pays d’origine, le Togo. J’ai donc passé mon adolescence en Afrique de l’ouest, avant d’aller faire des études universitaires en France, à Paris. Après mes études, j’ai travaillé quelques années en France, puis j’ai eu l’opportunité d’aller enseigner à l’université de Cologne en Allemagne; j’y suis resté jusqu’à ce jour. Mais je reste attaché au Togo où je retourne chaque année pour à peu près un mois de séjour.
SA: Quelles valeurs éthiques l’Europe devrait-elle apprendre de la culture du Togo?
T.A.: Question difficile. Je ne sais pas comment y répondre. Il n’y a pas une seule culture au Togo. Comme beaucoup de pays actuels d’Afrique, le Togo est une création artificielle des Allemands à la fin du XIXè siècle. On a rassemblé des peuples parfois proches mais souvent aussi différents les uns des autres.
SA: Votre livre «Un reptile par habitant» utilise l’intrigue du polar pour raconter une aptitude humaine qui détruit la société et les amours personnelles: la trahison. Qu’est-ce que c’est pour vous la trahison?
T.A : Il peut y avoir une forme de trahison non pas intentionnellement pour faire du mal à son prochain, mais pour se sauver soi-même, pour s’épargner un peu de souffrance dans la vie; on le rencontre plutôt dans les affaires amoureuses; je ne parle pas de cette sorte de trahison. Je parle de la trahison de sa patrie, des intérêts de son pays. Trahir sa patrie pour des motifs égoistes, c’est vouloir tuer ce pays.
SA: Écrivain du Togo qui vit en Allemagne et qui publie en français. Vous ne vous êtes pas limité à parcourir le monde à travers les livres, en étudiant la littérature comparée à la Sorbonne, mais aussi physiquement. Le choix de la langue: une renonciation douloureuse aux propres origines ou un agréable désir de nouveaux instruments d’expression?
T.A.: C’est vraiment compliqué ce que vous me demandez. J’aurais donné la moitié de tous les livres que je peux produire afin de pouvoir écrire dans ma langue maternelle, d’être édité chez moi et d’y être basé. Les écrivains italiens, francais ou suédois ne savent pas à quel point leur sort est extraordinaire pour un écrivain africain.
SA: Il existe en Europe une partie importante de la population qui étiquette, sans distinction, comme littérature africaine tout ce qui naît dans ce merveilleux continent. Comment cette généralisation est-elle perçue par un écrivain?
T.A.: Comme un appauvrissement volontaire ou involontaire de l’écrivain africain. Mais je ne préoccupe pas trop de cela; je travaille en pensant beaucoup plus souvent à des interlocuteurs africains. Je le peux parce que je vis en Allemagne, suis édité en France et situe mes romans en Afrique. Cette espèce d’éclatement de mon univers m’y aide beaucoup.
SA: Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui a décidé d’entreprendre le long et tortueux chemin de l’écriture comme passion et comme métier dans la vie?
T.A.: Lectures, beaucoup de lectures et persévérance.
SA: Le premier roman, Lisahohé, est situé dans un petit village imaginaire d’un état africain. Les lieux inexistants aident-ils à créer une métaphore universelle ou à ne pas se créer d’ennemis?
T.A.: Disons plutôt qu’éviter de nommer un lieu qui existe réellement permet d’échapper à toutes sortes d’a priori. Par exemple, un roman qui se situe dans Paris «subit» tout ce que Paris suscite chez chaque lecteur. Cela peut être voulu et même recherché (au cinéma souvent); mais certains autres endroits peuvent lester trop le roman. Un lieu imaginaire permet en quelque sorte de rester plus fidèle au propos du roman. C’est la raison principale et décisive, même en ce qui concerne l’Afrique.
SA: Pouvez-vous nous raconter, en décrivant vos sensations, les phases de la naissance d’un roman, à partir de l’idée de l’élément déclencheur jusqu’au parfum du papier imprimé?
T.A.: Il est difficile de répondre à cette question. Souvent, il n’y a pas d’ «élément qui déclenche» comme vous dites. Une phrase peut suffire, une petite idée de personnage ou de situation, etc. En fait, un roman se nourrit à chaque fois de toute la vie de l’écrivain, d’éléments plus ou moins obscurs dans la tête de l’auteur. Je ne sais pas à l’avance le livre que je finis par écrire; je ne sais même pas l’envie que j’aie au départ; ou parfois et même souvent, une intention que j’avais au départ disparaît en cours de route pour céder la place à une autre.
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