Les oeuvres de Samir Mougas prennent des formes variées qui communiquent entre elles comme des étapes de travail : dessins préparatoires, photographies récupérées, peintures murales, sculptures, installations qui intègrent tous ces supports. Ces différents éléments s’articulent comme autant de parties d’un tout, chacune d’entre elles pouvant fonctionner seule ou accompagnée des autres. En jouant de cette fragmentation, Samir Mougas crée une œuvre à la fois partielle et exponentielle. Il propose ainsi une lecture non linéaire de son travail, qui évite toute pédagogie littérale mais révèle et permet l’intrusion dans son univers esthétique et référentiel tout en laissant une grande liberté d’appropriation au spectateur. Aussi ses œuvres prennent des formes étranges qui, entre hybridation et abstraction, semblent issues de représentations scientifiques. Pour son exposition personnelle à 40mcube, Samir Mougas présente Strategy & Tactics (2008), une sculpture composée d’une forme géométrique incarnant la fabrication industrielle en tant que prototype, modèle ou moule, ainsi que d’une déclinaison de modules prolifiques réalisés à partir de matériaux de récupération divers. Cette oeuvre applique directement le principe explicité par Michel de Certeau (1), l’appropriation et le détournement, par l’individu, de formes ou de matériaux pourtant prévus pour un usage précis par l’industrie. Cette sculpture devient de fait aisément extensible, interprétable et adaptable à chaque exposition et espace qu’elle investit. Samir Mougas réalise également une nouvelle sculpture qui prend la forme d’une limule « tunée ». Cette créature entre crabe et araignée est ici agrandie à l’échelle d’une voiture. Des ailerons et autres éléments de tuning japonais y sont greffés. L’artiste confronte dans une même sculpture une forme organique - un animal fossile vieux de 500 millions d’années - et une pratique contemporaine de personnalisation standardisée de la mécanique. Il inverse le procédé du tuning qui consiste à donner une forme d’animal menaçant à un engin mécanique, en intervenant sur un animal auquel il ajoute des formes mécaniques. Il met ainsi en évidence une filiation directe entre l’animal et la machine de guerre. Ces deux sculptures sont présentées dans un environnement constitué d’une peinture murale reprenant des motifs de vis sans fin, à l’image du travail de Samir Mougas qui provoque un croisement de lignées, de variétés, d’espèces et de techniques sans cesse régénéré… (1) Michel de Certeau, L’Invention du quotidien, 1. Arts de faire, Paris : Gallimard, 1990. |