FESTIVAL DE LA DANSE ET DES ARTS MULTIPLES DE MARSEILLE
9 Juin - 6 Juillet 2012 / Marseille
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Le Festival de Marseille/FDAmM réunit cet été en toute liberté un géant mutique, un enfant manga, une tempête shakespearienne, un drapeau tricolore, une icône de la littérature suédoise, une chorégraphe sudafricaine qui marche « à côté de ses chaussures », un hôtel particulier belge à louer, et de nombreuses autres œuvres aux esthétiques et aux imaginaires apparemment disjoints. Apparemment, car liberté et transdisciplinarité ne signifient ni chaos ni incohérence. S’il fallait toutefois chercher une clé de lecture, un dénominateur commun à toutes ces œuvres, on les trouverait chez trois écrivains dont la pensée tel un fil à plomb garantit l’équilibre du tout.
Raoul Vaneigem, théoricien situationniste : « C’est toujours sur le contre-pied du monde officiel que l’on apprend à danser pour soi »
Max Horkheimer, philosophe allemand : « Il fut un temps où tout l’effort de l’art, de la littérature et de la philosophie consistait à être la voix de tout ce qui est muet.»
Quant au troisième homme, l’indiscipliné Edgar Morin, père de cette transversalité si chère au Festival, on retiendra de lui qu’il reste à près de 90 ans « l’insatiable curieux », « le braconnier du savoir » qui a rempli sa vie et son œuvre « d’accents circomplexes ». Un jeu de mots qui puise sa source dans l'étymologie latine de plexus.
Cette 17eprogrammation oscille et s’agrège autour de ces « accents circomplexes » qui lient, tressent, entrelacent des tonalités agonistiques entre culture savante et culture populaire, romantisme et tragique, lumière et soleil noir.
La première image sera celle d’un géant immobile et silencieux posté à l’entrée du Vieux-Port par le plasticien belge Kris Verdonck. Veilleur ? marin perdu ? ange gardien ? Il regarde tout autant qu’il garde sa ville. Toute une symbolique.
Puis Astro Boy, l’enfant robot aux bottes rouges, ouvrira le Festival le 9 juin au Silo. Échappé des rêves d’enfance de Sidi Larbi Cherkaoui, dissipé comme une image manga, sage comme un little Buddha, il nous transporte au cœur de l’œuvre du grand maître japonais Osamu Tezuka et des forces spirituelles qui le guident. D’autres forces tempétueuses, dévastatrices, salvatrices, déferleront sur le Festival comme en décida au crépuscule de sa vie, en 1611, la plume majestueuse du grand William Shakespeare.
The Tempest Replica, c’est ainsi que la chorégraphe canadienne Crystal Pite, danseuse inspirée venue de chez William Forsythe, a nommé cette pièce musicale, théâtrale, visuelle. Sa danse puissante rappelle au passage qu’il ne faut pas sous-estimer l’intensité de certaines répliques sismiques. Le Festival de Marseille en aura la primeur.
D’autres turbulences feront flotter et claquer comme un oriflamme le drapeau de la République, bleu-blanc-rouge, aux couleurs de nos identités multiples, mobiles, colorées. La dernière création de Pierre Rigal, Standards, s’attache à remodeler avec tendresse, virtuosité et naturel un monde englué dans toutes sortes de carcans. De carcans, il n’en sera point question dans À louer du collectif de danse et de théâtre belge Peeping Tom. On serait plutôt hors normes, hors standards, hors cadre…
Même imagination débridée, et grandiose, chez la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin pour sa première invitation au Festival. Son sens de la fête est aussi aigu que ses questionnements.
Autre personnalité questionnée, car paradoxale et controversée, celle d’August Strindberg.
Il inspire le Ballet Cullberg pour une création originale portée par deux jeunes artistes, l’Américain Tilman O’Donnell et la Suédoise Melanie Mederlind qui délient de toute entrave les mains, les pieds, la parole des seize remarquables danseurs de la compagnie.
Venus de Madrid avec des histoires personnelles aussi fortes qu’atypiques, inconnus du grand public, ils sont l’autre versant surprenant de cette édition : l’Israélien Sharon Fridman danse avec son double, la Galicienne Janet Novás nous étourdit dans un solo d’or et de lumière, tandis que seize danseurs (une fois encore) d’Enclave Español, la dernière née des compagnies madrilènes, traversent avec une fougue, une technique et une audace époustouflantes la danse classique espagnole jusqu’au flamenco le plus contemporain.
Une inaltérable fidélité tissée autour de la danse teinte chaque année la Carte blanche confiée à marseille objectif DansE. Le regard aiguisé et exigeant de Josette Pisani se posera cette fois sur la danse belge, rappelant quelques grandes émotions du Festival lors de la venue d’Anne Teresa de Keersmaeker, de Wim Vandekeybus, de Sidi Larbi Cherkaoui, de Koen Augustijnen et d’autres talents flamands.
Émoi et émotion aussi avec le retour à Marseille de Tôt ou tard, l’installation monumentale du sculpteur marseillais Richard Baquié. L’écrivain Emmanuel Loi redonne vie à l’oeuvre, à l’artiste, à l’ami trop tôt disparu avec la complicité du compositeur musicien Jean-Marc Montera.
D’autres installations ludiques, déchaînées, programmées par l’extravagant plasticien Peter William Holden remettront joyeusement au goût du jour Singin’ in the rain de Gene Kelly et des danses de claquettes…
Une note bleue pour conclure. Ce sera le 6 juillet avec Sasha Waltz, sa compagnie et les Impromptus de Schubert. Une partition romantique prise de vertige qui se jouera sur un plateau déchiré, fracturé. De toute beauté.
Cette édition 2012 dessine une nouvelle et surprenante géographie des passions tracée par des artistes en quête d’humanité. Vulnérables, aguerris, rêveurs, en prise avec le quotidien, ils s’infiltrent résolument au coeur de la langue de Shakespeare, des idéogrammes japonais, des phobies sino-suédoises de Strindberg, des combats anti-apartheid.
Ils sont « les enfants dévastés qui s’essaient à renaître dans un monde à créer. Apprendre à devenir humain est la seule radicalité ».
Ils sont bien les enfants de Raoul Vaneigem, Max Horkheimer, Edgar Morin.
Radicalement humains et artistes.
Apolline Quintrand Directrice du Festival
Pour le porgramme, visitez:
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