C'est en compagnie de l'auteur et metteur en scène Wajdi Mouawad, artiste associé de cette édition, que nous avons imaginé le prochain Festival. Pendant deux ans, nous avons dialogué sur l'importance du récit et de la mémoire, du théâtre, de la peinture et de la littérature, et échangé sur notre relation à un monde en plein bouleversement. Au cours de voyages entrepris ensemble sur les lieux marquants de son histoire, de Beyrouth à Montréal, il nous a parlé de son enfance libanaise pendant la gurre, de son exil en France puis au Québec, de la colère qui l'habite face à l'incohérence du monde.
Forts de ce dialogue, nous avons invité des artistes à venir créer des œuvres pour cette 63e édition du Festival d'Avignon. Aujourd'hui, au moment où chaque projet prend naissance, de nombreuses résonances se révèlent entre ces créations et les questions que nous pose l'actualité récente à travers les émeutes de Madagascar, les manifestations de la jeunesse en Grèce, les morts de Gaza, la crise financière et ses graves conséquences sociales, l'élection de Barack Obama.
L'Homme a besoin de raconter des histoires car elles lui confèrent son humanité, lui permettent d'appréhender le monde et de combattre la tentation d'amnésie. Ces histoires, qui nous relient et habitent les plateaux du théâtre depuis son origine, nous avons aussi appris à nous en méfier, notamment lorsqu'elles ne véhiculent que des certitudes, ou lorsque le pouvoir économique, politique ou religieux instrumentalise les émotions qu'elles peuvent procurer.
Notre expérience de spectateur se nourrira cet été de nombreux récits, sous forme de fictions ou de documentaires. Des artistes, provenant de territoires géographiques – de la Méditerranée au Canada – et artistiques différents, partageront avec nous leurs interrogations sur l'état du monde. Nous entendrons un français venu de plusieurs continents et de multiples langues telles que le polonais, l'arabe ou l'espagnol… Nous verrons des écritures dramatiques – de la tragédie grecque aux textes contemporains – se croiser avec des écritures chorégraphiques, plastiques et aussi, cette année, cinématographiques.
Dans la période difficile que notre société traverse, nous souhaitons ce Festival créatif et insolent, énervé et enthousiaste, en aucun cas résigné. Nous vous attendons, artistes et spectateurs, cet été à Avignon, pour que le théâtre advienne, et pour témoigner ensemble de sa nécessité, de sa diversité et de sa vitalité.
Hortense Archambault et Vincent Baudriller
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